Dans la continuité du cours sur la valeur discursive du montage adossé à un travail du rythme, voici un exemple où Martin Arnold démonte les mécanismes idéologiques du cinéma classique hollywoodien en retravaillant en boucle et de manière microscopique, à l'aide d'une tireuse optique, les photogrammes d'un plan de 18 secondes trouvé dans The Human Jungle (Joseph Newman, 1954). Le found footage est une pratique courante du cinéma structurel autrichien dont Martin Arnold est l'un des principaux artisans, mais reste toujours aussi saisissant, comme en témoigne l'extrait que voici.
Par son travail d'étirement du temps, de submersion sonore, de boucles hypnotiques et de réversibilité des images, le cinéaste autrichien défigure le couple modèle, défait l'ordonnancement "naturel" des apparences pour mieux en exhiber l'artificialité sur un mode à la fois comique et grinçant. Il fait ainsi ressentir physiquement au spectateur le côté mécanisé de l'humain dans la société de consommation américaine ainsi que les stéréotypes sexués et les frustrations sexuelles qu'entretient l'usine à rêves.
Dans un entretien avec Scott Mac Donald publié dans le numéro 40 de la revue Bref, Martin Arnold le dit crûment: "Le cinéma d'Hollywood est un cinéma d'exclusion, de raccourci et de rejet, un cinéma de refoulement. Il y a toujours autre chose derrière ce qui est nous est montré, qui n'est pas représenté." Et c'est précisément ce que le montage rythmique d'Arnold dévoile de manière implacable et jouissive.
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