Dans la série "Nos étudiants prennent des initiatives, et c'est bien", voici une interview de Thomas Cousseau réalisée par Juliane Guillemet, actuellement en L3 Arts du spectacle.
Tout au long de la licence Arts du Spectacle,
on nous parle de l'acteur. De sa formation, de son jeu, de sa condition.
J'avais pour projet de me déplacer à Paris pour aller voir une pièce de
théâtre, "A Tort et à raison" et vu que j'allais en voir des vrais,
d'acteurs, je me suis dit que je pouvait toujours profiter de l'occasion pour
demander une entrevue avec l'un d'entre eux, histoire d'avoir un point de vue
éclairé sur le sujet. En regardant l'affiche du spectacle, le visage de l'un
d'entre eux me semblait étrangement familier et pour cause : c'était celui de
Thomas Cousseau, plus connu sous le nom de Lancelot Du Lac dans la série
Kaamelott. Je lui ai donc demander de répondre aux questions que les étudiants
m'avaient posées à son sujet et il à accepté d'y répondre, avec patience et
sincérité.
Quelle
formation avez-vous suivie ?
Une formation de théâtre classique,
d'abord un ou deux cours privés et ensuite j'ai passé le concours du
Conservatoire que j'ai raté une première fois et la deuxième fois je l'ai eu.
Ensuite j'ai passé trois ans au Conservatoire de Paris national supérieur.
Le
métier d'acteur s'est-il imposé comme une évidence ?
Comme une échappatoire, c'est venu
assez tard mais c'était assez évident, oui.
Aucun
autre métier ne vous aurait plu ?
Je suis extrêmement paresseux et
j'étais dans des études très classiques de classe préparatoire littéraire qui
me plaisaient beaucoup, mais en dilettante, et ces classes c'est difficile de
les faire en dilettante parce que ce sont des classes de compétition. Donc
j'étais pas dans le truc, j'étais pas à ma place et puis il se trouve que je
suis dans le métier depuis un certain nombre d'années, par le biais de mes
parents. Dans mon adolescence je l'ai rejeté parce que je voyais que ça et que
ça chez moi, ça ne me plaisait pas et puis mon caractère a fait que j'ai senti
que c'était là que je pourrais « m'exprimer », sans employer de trop
grands mots, et que c'était là et pas ailleurs, voilà pourquoi je parle
d'échappatoire. A l'époque c'était nécessaire. Il fallait vraiment que je le
fasse.
Vous
venez donc vous-même d'une famille d'artistes ?
Oui ma mère est comédienne et mon
père travaillait aussi dans le milieu du théâtre.
Donc
vous vous prédestiniez plutôt au théâtre j'imagine ?
Non, en fait je voulais devenir
réalisateur de cinéma, parce que je suis un fan de cinéma depuis que je suis
tout petit et quand je faisais mes études une école s'ouvrait, qui est devenue
aujourd'hui la FEMIS, qui était l'ex-IDEHC, et c'était juste au moment où je
finissais le lycée et que j'accédais à la suite de mes études et il fallait que
j'aie deux ans d'études pour pouvoir postuler à ce concours et puis mes parents
m'ont dit « Si tu veux être réalisateur, vois déjà comment fonctionne
un comédien ». Ils m'ont conseillé d'aller dans un cours de théâtre et
finalement ça m'a vachement plu et je n'ai jamais passé la FEMIS, ce que je ne
regrette pas d'ailleurs, et je ne suis donc pas devenu réalisateur mais un
simple comédien.
Beaucoup
d'acteurs sont aussi metteurs en scène, scénaristes, est-ce que vous avez déjà
été tenté par ces métiers-là ?
Scénariste non parce que je ne sais
pas écrire, j'aime bien adapter par contre, j'ai fait des adaptations déjà,
adaptations/traductions de Shakespeare parce que j'adore Shakespeare. Cet
aspect-là de l'écriture je l'aime bien, c'est assez proche du métier d'acteur,
c'est-à-dire que c'est pas nos mots à nous c'est les mots d'un autre, qu'on
adapte, qu'on transforme pour un objet particulier : la scène, un spectacle de
théâtre. Donc ça je l'ai fait pour Macbeth et Timon d'Athènes et puis metteur
en scène je l'ai fait un petit peu parce qu'il y avait toujours cette envie qui
courait depuis l'adolescence d'être réalisateur, d'être à l'origine des projets,
mais c'est trop dur. J'ai pas la ténacité pour ça, j'ai pas la combativité pour
ça. C'est encore pire qu'un acteur, non encore pire je ne sais pas mais c'est
différent. C'est-à-dire qu'il faut d'abord aller chercher une chose, c'est
l'argent, si vous ne savez pas faire ça vous n'avez quasiment aucune chance,
quel que soit le talent que vous avez. Aller chercher de l'argent ou peut-être
trouver des gens susceptibles d'aller le trouver pour vous c'est possible,
c'est ce qu'on appelle des administrateurs ou des chargés de production qui
vont frapper à la porte pour vous, donc il faut trouver cette personne-là. Moi
je ne l'ai jamais trouvée et en plus les quelques fois où je me suis essayé à
la mise en scène, là je vais bientôt le faire pour une amie, je ne m'estime pas
suffisamment de talent pour insister dans ce créneau-là. Ce n'est pas tellement
ma place.
Pourquoi
Shakespeare ?
C'est que je pense que c'est un des
plus anciens souvenir que j'ai, gamin, à une époque que vous ne connaissez pas
il y avait une chaîne qui s'appelait FR3, qui s'appelle aujourd'hui France 3,
et qui diffusait les samedis après-midi des enregistrements de la BBC. Ils
avaient enregistré toutes les pièces de Shakespeare, les comédiens anglais. Et
quand je voyais ça je devais avoir, 7, 8 ans, 9 ans et je trouvais ça
extraordinaire. Je comprenais pas 90 % du truc, mais ça me fascinait, j'adorais
la musique, j'avais une émotion auditive, sensorielle... Je ne sais pas comment
dire. Donc je parlais évidemment pas anglais vous vous doutez bien à 8-9 ans. A
tel point que l'un des premiers projets importants que j'ai eu en mise en scène
c'était Timon d'Athènes parce que je me souvenais de ce Timon d'Athènes que
j'avais vu, j'en avais extrait la trame principale c'est-à-dire cet homme qui
est riche et qui donne tout à ses amis et puis après il se retrouve très très
pauvre et il s'adresse à ses amis et puis ils lui disent « Ah on est
désolé on a rien donc on peut pas t'aider, on peut rien te prêter » ,
donc il finit tout seul, misanthrope. Donc voilà, petit garçon ça m'a vachement
ému cette histoire. Donc Shakespeare ça vient de là. Et ça ne m'a pas quitté
depuis.
Est-ce
que vous pensez qu'il y a une qualité qui est nécessaire pour progresser dans
le théâtre ?
La patience, la ténacité... C'est les
premières qualités qu'il faut. La ténacité pour tenir, pour rester dans ce
métier, c'est trop dur. Et puis les conditions... On est un peu une profession,
les métiers du spectacle, symbolique de tout le monde du travail et ce qui nous
arrive à nous depuis des années ça arrive maintenant à d'autres professions, la
précarité, tout ça, mais nous c'est ça depuis tout le temps. Mais même si
c'était ça, ça s'est encore aggravé pour nous, on est dans une précarité
incessante, sauf exceptions, il y a des comédiens qui travaillent
régulièrement, pour 90 % d'entre nous c'est pas le cas. Donc c'est la galère
tout le temps. Et ça ça use. Très très fort. Vraiment. Donc je pense que c'est
ça la première qualité, la ténacité.
Vous
avez le statut d'intermittent ?
Oui.
Et
qu'est-ce que vous pensez de cette volonté de la part des politiques de changer
le statut d'intermittent, de le rendre plus difficile d'accès ?
Je pense que c'est une hypocrisie
monstrueuse, c'est déjà extrêmement difficile d'y accéder. C'est un peu
symbolique de tout un tas d'autres choses. C'est une arnaque, quand les
politiques nous disent que le statut d'intermittent est déficitaire c'est une
arnaque, c'est pas vrai, si on regarde les chiffres ce n'est pas vrai. Le
déficit il est extrêmement léger et il n'a pas varié depuis 20 à 30 ans, c'est
toujours le même. Ça tient juste au fait que c'est
une balance entre le nombre d'intermittents, de cotisations, tout ça, mais il
est très faible contrairement à ce qui est prétendu, on annonce des chiffres...
Je ne suis pas là pour défendre ma profession mais là aussi, je me répète,
c'est représentatif des autres choses sur les déficits dans le système de santé
tout ça, c'est une arnaque c'est un chiffre rouge qu'on nous montre mais ce
n'est pas vrai. Cet argent-là il n'est plus là parce qu'on l'a enlevé. C'est
des décisions politiques qui ont été prises. Il a été enlevé, il est à un autre
endroit, il est dans l'endroit de gens qui s'en mettent plein les poches. Dans
le privé. On ne peut pas demander à un hôpital d'être bénéficiaire, ce n'est
pas possible, c'est absurde si on y réfléchit deux minutes. Après, le monde du
spectacle c'est différent, il y a des spectacles qui peuvent être
bénéficiaires, des films qui peuvent être bénéficiaires, mais il y en aura
forcément qui ne le seront pas, c'est pas possible autrement donc il faut
forcément l'argent public ou des mécènes, là je suis dans un système privé, il
faut forcément un financement en parallèle. C'est pas possible que l'ensemble
soit bénéficiaire.
Vous,
par rapport au statut d'intermittent, c'est encore compliqué ou votre place
est-elle déjà faite ?
Il y a trois ans, quatre ans,
j'étais au RSA. On peut passer des années à gagner extrêmement bien sa vie
parce que tout à coup on va tourner, on va faire de la télé, ce qui est
effectivement beaucoup mieux payé parce qu'on fait plus de jours et puis du
théâtre et plein de choses et puis, tout à coup, on va avoir des revenus
agréables, confortables, qui vont vous permettre quand vous n'avez pas de
travail pendant 3-4 mois de ne pas être pris à la gorge. Et puis l'année
d'après : rien. Moi j'ai passé deux ans sans rien. Sans un jour de travail. Pas
un appel, rien du tout. Donc dans ces cas-là, on n’a plus d'intermittence, on n’a
plus d'ASSEDIC, encore on a de la chance d'avoir le RSA, donc 400 et quelques
euros par mois... Donc vous imaginez à Paris...
Et
le fait d'avoir fait de la télé ne vous a pas facilité la chose ne serait-ce
qu'au théâtre ?
Sur le coup si, j'ai été reçu dans
les castings un peu plus facilement et puis d'une façon beaucoup plus agréable
aussi parce que là aussi, les castings c'est parfois un peu le parcours du
combattant. Il y a eu une ou deux années où j'ai tourné un peu plus
régulièrement, mais je ne faisais plus du tout de théâtre et puis après ça
s'est arrêté d'un coup, je ne sais pas pourquoi et puis ça n'a toujours pas
repris, en tout cas sur les tournages, je ne sais toujours pas pourquoi. Mais
ça fait deux ans que j'ai énormément de travail du côté du théâtre, je déborde
de projets, je vois plus le jour donc c'est bien, mais concernant les tournages
c'est au point mort.
Ça
vous manque ou pas ?
Ça dépend. Ce qui peut me manquer
c'est qu'à la télévision ce qui est agréable c'est quand on a des beaux rôles,
même au théâtre... Mais là vous voyez au théâtre j'ai un rôle secondaire,
j'adore ! L'année dernière j'ai joué aussi dans un autre théâtre privé, « Lettre
d'une inconnue » (Ndlr : mis en scène par Christophe Lidon), j'avais
un rôle en retrait, tout ça, j'ai adoré faire ça ! Tous les jours je venais
travailler, il y avait à modifier des choses, c'est sans cesse. La télévision
quand vous avez un petit rôle, vous arrivez sur un tournage, vous travaillez
une journée, donc vous ne connaissez personne, donc vous vous faites maquiller
dans votre loge, vous attendez parfois 5/6 heures de suite et puis on vous
appelle, vous venez tourner, vous travaillez pendant 5, 10, 15, 20 minutes et
puis c'est fini et au revoir. Alors, vous voyez, se motiver pour ça... Alors on
se motive parce qu'on a envie de le faire mais au final c'est pas super
passionnant d'investir tout ce travail en amont, c'est comme un 100 mètres, on
vous dit « courez » et puis vous courez et tout à coup c'est
fini. Les lumières sont éteintes il n'y a plus personne autour de vous. C'est
pas une nourriture intellectuelle passionnante. Par contre quand vous avez un beau rôle, que vous êtes sur le
plateau 5, 6, 7 jours, là ça commence à devenir intéressant. Comme sur Kaamelott,
au début j'étais là très très souvent donc il y a de la nourriture, on a à
rêver sur le personnage on peut se demander ce qu'il va devenir, comment va
l'écrire le metteur en scène, le scénariste, il y a tout cet enrichissement-là.
Est-ce que vous avez déjà accepté des rôles purement alimentaires ?
Bien sûr, évidemment. Alors il y a
des fois où je suis en position de refuser, parce qu'il y a des trucs auxquels
je ne crois pas du tout et d'autres fois où je ne suis absolument pas en
position de refuser, donc il faut que j'accepte. Jusqu'à quand je ne peux pas vous
dire. Mais je ne vous dirai peut-être pas lesquels.
Est-ce que vous avez des limites en tant qu'acteur ?
J'ai des limites techniques. C'est
quelque chose dont on ne parle pas beaucoup et c'est bizarre parce qu'en
musique, c'est inévitable, il y a des rôles que vous ne pouvez pas chanter
parce que vous n'avez pas les capacités techniques de le faire. S'il y a un
rôle de baryton et que vous êtes un ténor et bien vous ne pouvez pas le
chanter. Donc on ne vous ne le proposera jamais. Cette chose là, on n'y pense
jamais pour les acteurs, mais pourtant ça existe. Moi il y a des rôles que je
ne pourrais pas jouer parce que je n'en ai pas les capacités physiques,
techniques.
Est-ce que vos rôles influencent votre personnalité ?
Non, ce ne sont pas les rôles, c'est
les auteurs... Ça oui. C'est les poètes, c'est
les écrivains... Bien sûr que ça peut influencer, dans le sens où ça change mon
regard sur le monde. Ce qui est passionnant dans l'art c'est ça, alors il y a
plein d'arts que je ne connais pas ou très mal et dans lesquels je suis
complexé parce que je n'y connais rien et n'y comprends rien. Et puis il y en a
d'autres qui me touchent plus. Il se trouve que moi ça a été le cinéma, très
très tôt, j'aime beaucoup lire, les auteurs me font voir le monde autrement,
c'est une approche du monde, une connaissance des êtres humains qui n'est pas
la même que la réalité évidemment, mais c'en est une autre. Donc là oui, ça
influence ma personnalité.
On a souvent cette image du comédien qui serait tellement transporté par
son rôle que ça affecterait ce qu'il est...
Moi non. Il y a d'immenses acteurs
pour qui c'est le cas, mais moi je n'en ai pas envie, je ne suis pas un
extrémiste de ça. Il y a quelques jours j'ai lu la façon dont se comportait
Daniel Day-Lewis sur les tournages... Je ne comprends pas. Mais après pourquoi
pas ! C'est un immense acteur et la preuve est là, quand je le vois au cinéma
je le trouve extraordinaire, donc il y a une efficacité et puis il y a d'autres
acteurs, comme Patrick Dewaere, un acteur emblématique pour les comédiens
français, c'est un acteur qui avait un rapport assez extrémiste par rapport à
leur pratique, mais moi ce n'est pas le cas. L'essentiel c'est la vie ce n'est
pas le théâtre. Le théâtre c'est un moyen de gagner sa vie, financièrement, et
puis de vivre émotionnellement et de vivre des choses parfois magnifiques,
parfois pas du tout, mais ce n'est pas l'essentiel, c'est juste un moyen. Alors
peut-être que ça casse un mythe, mais moi ce n'est pas le cas, en même temps,
pour contrebalancer ça, d'un côté le travail m'accapare d'une façon
disproportionnée par rapport à une autre profession. Et ça peut être fatiguant
pour les gens qui sont autour, parce qu'on y pense sans arrêt. Même quand je ne
travaille pas j'y pense : en faisant du sport, en lisant... C'est une façon de
m'enrichir, de me construire, pour être disponible, dans le sens où il faut
parfois que je sois physiquement capable de répondre à une demande. J'ai joué
des rôles de Shakespeare par exemple je m'étais vraiment préparé avant. Pas à
la Daniel Day-Lewis, mais je m’étais préparé physiquement, vocalement parce que
c'est une épreuve physique. Il faut tenir pendant deux heures et demie, trois
heures, en étant toujours en scène, en ayant une dépense physique énorme.
Toutes ces choses-là c'est un investissement dont on ne se rend pas compte, qui
est en dehors du travail juste sur le plateau.
Est-ce
que vous écoutez le public ?
Bien évidemment ! C'est un dialogue.
Souvent vous ne vous en rendez pas compte mais c'est un dialogue. Enfin en tout
cas pour moi. Quand vous vous ennuyez on le sait, quand les gens bâillent on le
sait, quand quelqu'un arrive en retard comme c'est arrivé hier, je le sais. Je
sais que c'est une dame, je ne la vois pas, mais je le sais, elle a en plus son
sac elle l'ouvre et elle le ferme trois fois, il y a des moments où j'ai envie
de m'arrêter et de dire : « Prenez votre temps asseyez-vous on va vous
attendre tous ensemble ». J'ai failli le faire hier, c'est plus facile
quand je suis tout seul en scène, mais là il y avait mes camarades. Mais ça
m'est arrivé, d'arrêter des représentations parce que je trouve qu'on n'a pas à
subir tout de la part du public, tout comme il n'a pas à tout accepter de notre
part, s'il en a envie il sort et ça je le respecte complètement et je le dis,
ça m'est arrivé d'arrêter des représentations et de dire « Si ça ne
vous intéresse pas, sortez, il n'y a pas de souci je peux comprendre et si vous
voulez, vous nous attendez après et on en parle, mais là on a fait un travail
et vous êtes en train de le bazarder ». C'est pas seulement entre moi
et mes camarades sur scène que ça se passe, mais entre les personnes sur scène
et les gens dans la salle, c'est un équilibre d'une fragilité inouïe. Et ça
peut être rompu à n'importe quel moment. On a des capteurs de tous les côtés,
même si on ne vous voit pas.
Qu'est-ce
que vous pensez de la politique culturelle actuelle et de la centralisation de
la culture à Paris ?
La seule raison pour laquelle je
suis un tout petit peu connu et que je suis arrêté parfois dans la rue, c'est
parce que j'ai fait la série Kaamelott, faite, dirigée, pensée par
Alexandre Astier qui est un Lyonnais, qui vit à Lyon et qui s'est posé la
question de déménager à Paris quand la série à commencé à marcher et puis non,
il est de Lyon, il reste à Lyon, sa famille est à Lyon. Et c'est un homme dont
on dit souvent dans le métier « Ah c'est du piston ! », mais
quand il a commencé il n'était connu de personne, j'avais joué avec lui dans un
spectacle de théâtre, il est arrivé avec un court-métrage (Ndlr : Dies Irae),
j'étais descendu à Lyon, on a fait ça sans aucune rémunération et ce
court-métrage a remporté du succès et c'est devenu Kaamelott, une série
qui a X saisons, 4, 5, 6 millions de téléspectateurs : c'est phénoménal ! Mais
il est à Lyon, Alexandre Astier, il n'a pas déménagé.
Moi après je suis à Paris depuis
très longtemps donc je suis mal placé pour vous le dire. Après concernant la
politique culturelle... est-ce que c'est pire qu'avant ? Je ne pourrais pas
vous le dire... La politique actuelle du gouvernement je ne la connais pas
assez, mais je crains qu'elle soit à l'image d'autres secteurs en ce moment
c'est-à-dire que comme souvent quand on est un homme politique on prononce plein
de phrases pendant la campagne et puis c'est la crise, comprenez bien ma bonne
dame ! Il y a des restrictions budgétaires, voilà... Donc, partout, à Paris et
en province, les budgets sont restreints, des compagnies sont obligées de
déposer le bilan, des comédiens, des metteurs en scène arrêtent de travailler
parce qu'il y a de moins en moins d'argent. Ça je pense
que ce n'est pas tellement nouveau mais ça commence à s'accentuer, mais il y a
quand même en province des théâtres nationaux, régionaux qui ont une activité
importante, après ça dépend de l'engagement de leurs directeurs. Ils ont un
cahier des charges où ils ont un certain nombre de choses à faire dans leur
ville et ils sont tenus de les faire. Après est-ce qu'ils tiennent leurs
engagements ça je ne peux pas vous le dire. Mais il y a eu un mouvement
culturel et politique qui s'est appelé « La Décentralisation »,
je suis un enfant de ça puisque moi je suis né à Strasbourg, mes parents
travaillaient à Strasbourg, en Alsace, où il y a un des Théâtres Nationaux de
France... Partout en France il y a des théâtres en province, après c'est vrai
que Paris semble concentrer le feu des paillettes et tout ça mais j'ai des amis
qui travaillent très très bien en province, beaucoup plus confortablement que
moi. Donc c'est pas une obligation, je pense que c'est une fausse image. Mais
c'est vrai qu'il y a plus de spectacles. J'avais un entretien ce matin pour une
éventuelle tournée du spectacle que vous avez vu, il nous à dit qu'il y avait
600 spectacles par jour à Paris... 600 spectacles, c'est hallucinant ! Comment
le public n'augmente pas ? Donc forcément c'est un phare qui concentre
l'attention. Après, le nerf de la guerre c'est souvent l'argent et en province
il y a de l'argent pour moins de monde. Il y a des scènes importantes, après il
y a moins de compagnies qu'à Paris, mais de toute façon elles ne pourraient pas
travailler si elles étaient si nombreuses en province. Je ne suis pas tout à
fait d'accord avec cette question sur le centralisme, il y a au contraire une
décentralisation qui a commencé il y a très longtemps, qui se ralentit
forcément à cause de moyens aujourd'hui, mais qui est encore en œuvre. Donc il
n'y a pas que Paris, non.
Vous êtes actuellement à l'affiche de À tort et à raison, qu'est
ce qui vous à poussé à accepter ce rôle ?
D'abord, c'était une période où je
n'avais pas de travail. On parlait de travail alimentaire... donc ça, en
l'occurrence... Je n'avais pas de travail ! C'était une proposition, je ne
savais pas si le spectacle finirait par se monter parce qu'il a été très
compliqué de le monter, il y a eu beaucoup d'obstacles, donc je me suis
embringué dans cette aventure sans savoir si le spectacle se ferait. Peut-être
que si j'avais eu autre chose j'aurais laissé tomber celui-là, là il se trouve
qu'il n'y avait pas de télescopage entre les deux, donc... Après on entend
souvent à la télé des acteurs qui disent « Oui j'ai fait ça parce que
c'était le projet qui me plaisait... », mais la plupart d'entre nous,
on fait ça parce qu'on a pas le choix entre 15 000 projets, il faut manger, il
faut vivre, voilà... Et en plus, plus on travaille plus on s'améliore. Un
musicien si vous le privez de son instrument pendant, des semaines, des mois,
il perd, il s'appauvrit. Tout à coup les doigts sont moins agiles. Donc voilà,
on a besoin de travailler, pas seulement pour manger mais aussi pour nourrir
notre instrument. Donc ça c'était la première réponse, maintenant la deuxième
réponse, un peu plus artistique c'est que je trouve la pièce intéressante. J'ai
des critiques à lui faire, mais je la trouve intéressante. Je trouve que comme
souvent, comme les Anglo-Saxons savent le faire, il y a une grande rigueur sur
la vérité historique. Il n’a pas inventé 15 000 trucs, Harwood, il est
extrêmement respectueux de ce qui s'est vraiment passé. Donc les personnages
que vous avez vus, ils ont plus ou moins existé. Furtwängler, il a existé, on
le sait, mon personnage on présume que ce n'est pas un violoniste mais un
violoncelliste. Il y avait assez peu de nazis purs et durs dans l'orchestre, il
était extrêmement protégé cet orchestre, mais il y en avait quand même
quelques-uns, forcément. Et il y avait notamment un violoncelliste, nazi
convaincu, qui faisait « Heil Hitler » le matin quand ils
arrivaient et puis, et là c'est les dernières précisions que j'ai eues par une
spécialiste du sujet parce qu'il y a des archives qui sont en train d'être
révélées du côté Russe, et donc durant
le procès de Furtwängler ce violoncelliste s'est opposé violemment à Furtwängler,
il a été appelé comme témoin à charge. Donc je trouve que la pièce est bien
faite de ce côté-là, en plus elle introduit un certain nombre de personnages,
on sent un artisan, je parle de l'auteur, habile, mettant en scène des
personnages qui vont s'enrichir les uns les autres, qui vont faire des
étincelles.
Juliane
Guillemet
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