Si la question des rapports entre l'écrit et l'écran vous intéresse, vous êtes cordialement invités à assister aux journées d'étude "Littérature/cinéma: projections", ce vendredi 7 et samedi 8 juin, en salle des Actes de l'UFR Lettres et Langues.
La projection
cinématographique est, au premier chef, un dispositif optique ; un
faisceau lumineux transporte en l’agrandissant, parfois en l’anamorphosant, une
image sur un écran : image passée, qu’il actualise ; image fugace,
dont il déploie l’évanescence ; image photogramme, qu’il met en mouvement
et expose à la dissemblance. Pour le redire selon la triade « technique,
pragmatique, symbolique » qui forme l’armature des dispositifs entendus
comme « matrices d’interactions potentielles »,
la projection cinématographique est d’abord un mécanisme de reconfiguration
d’images et de sons par transport lumineux (I) ; au niveau pragmatique,
elle réalise l’immersion du spectateur (II) et organise une levée d’images
visibles et mentales qui articulent le Réel et le symbolique (III).
La
participation émotionnelle que suscite l’optique n’est pas sans rapport avec le
dispositif psychique du même nom, déplacement consistant à imputer à un
autre un complexe refoulé dans l’inconscient, ce qui permet à la fois de l’extérioriser
et de le dénier comme sien. Le cinéma apparaît alors comme une surface où
s'inscrivent les traumas individuels et collectifs, auxquels la projection
donne forme assimilable selon le modèle de la figurabilité inconsciente. Les
deux versants du dispositif ont en commun d’être des mécanismes qui mettent en
jeu un travail de déformation autant destiné à faire voir qu’à opacifier et
faire écran.
On
peut alors proposer cette définition restreinte de la projection :
processus d’interaction et d’écart entre un spectateur et une image. La
projection, en suscitant un léger décalage, empêche l’image de coïncider exactement
à elle-même et, partant, l’ouvre à l’invu. C’est ce noyau du dispositif qu’il
s’agit, d’abord, de mettre au travail pour repenser les rapports entre
littérature et cinéma, cherchant les conditions et exemples du transport
littéral de l’écrit sur le filmique et inversement. De façon minimale, on peut
avancer que la projection spécifie les relations entre cinéma et
littérature chaque fois qu’une mention graphique ou un texte lu se
surimpressionnent à l’image, ou qu’imaginairement viennent miroiter l’un dans
l’autre textes écrit et filmique : l’essentiel est que ce transport, dans
ses ressemblances et écarts, sa coïncidence et ses glissements, suscite un
effet de révélation que n’aurait pas atteint l’un ou l’autre seul. Si l’on
reformule la délimitation restreinte de la projection en termes
intermédiatiques, elle devient le processus d’interaction (surimpression /
intervalle) entre un texte et une image, que l’un et l’autre soient visibles ou
invisibles, actualisés ou connotés, au sein d’une œuvre intermédiatique (par
exemple, Les Histoire(s) du cinéma de
Jean-Luc Godard ou Le Maheur au Lido de
Louis-René des Forêts), mais aussi d’un dispositif analytique, puisqu’il ne
s’agit pas ici d’inter ou hypertextualité, mais de lecture et spectature
ouvertes aux associations de la mémoire et de l’imagination.
Vendredi 7 juin – Salle des
Actes de l’UFR Lettres et Langues
Matinée : Histoire et
théorie
Modérateur : Denis Mellier
9h30 : Véronique Campan, université de Poitiers
« La projection, entre dispositif, figure et métaphore »
10h30 : Marie Martin, université de Poitiers
« Du cinéma à la littérature,
et retour : figures de la projection traumatique »
11h30 : Francisco Ferreira, université de Poitiers
« “Du début à la fin de ce livre immense” : l’histoire
littéraire au prisme d’Histoire(s) du cinéma »
Après-midi : Fictions
contemporaines
Modératrice : Marie Martin
« L’essence
cinématographique de l’écriture dans les micro-fictions de Jérôme Game (Flip-Book
et La Fille du Far West) »
15h30 : Paul
Echinard-Garin, université Paris III
« “L’histoire fut suspendue mais se poursuit ailleurs” : recyclage des films,
projection des phrases chez Pierre Alferi »
18h : Projection-rencontre autour de Pierre Alferi, en sa présence
Pierre Alferi a écrit les textes des disques de Jeanne Balibar et collabore régulièrement avec Rodolphe Burger, de Kat Onoma.
Pierre Alferi a écrit les textes des disques de Jeanne Balibar et collabore régulièrement avec Rodolphe Burger, de Kat Onoma.
Cinéma Le Dietrich (tarif unique à 5 euros)
Programme :
— Ne
l'oublie pas (cinépoème)
— Tante
Élisabeth (cinépoème)
— Élenfant (film parlant)
— Nuitée (cinépoème)
— La
Protection des animaux (film
parlant).
« On appelle
‘fantastique’ le cœur imaginaire de la projection, qui bat quand elle revient
de loin derrière, des cauchemars d’enfant » (Pierre Alferi, Des
enfants et des monstres). Les films choisis dessinent le territoire imaginaire
de la projection pour cet artiste protéiforme, tour à tour et ensemble
romancier, poète, critique, dessinateur et cinéaste, qui fonde son écriture
filmique sur le battement rythmique du texte et de l’image, des souvenirs
cinéphiles (de Dream of a Rarebit Fiend
de Porter à Night of the Hunter de
Laughton) et de l’invention verbale des figures.
Samedi 8 juin – Salle des Actes
de l’UFR Lettres et Langues
Matinée : Littérature, écrans,
scènes
Modératrice : Véronique
Campan
9h30 : Guillaume
Bourgois, université Paris VIII
« Mon Cas
(1986) de Manoel de Oliveira : texte projeté, textes en marche »
10h30 : Marie-Laure Guétin, université Paris Ouest
Nanterre La Défense
« Le
décor-écran : l’exemple des fictions du décor dévoilées à
l’intermonde »
11h30 : Marie Vandenbussche-Cont, université Paris III
« Un Mage en été : du cinéma intérieur d’Olivier Cadiot au
théâtre invisible de Ludovic Lagarde »
Après-midi : Ecriture et
mondes possibles
Modérateur : Francisco
Ferreira
14h30 : Alberto Bejarano, université Paris VIII
« Figures
de Providence : Alain Resnais
chez Roberto Bolaño »
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